Le manuscrit irlandais de la bibliothèque de Goettingue, noté Cod. Ms. hist. 773, est du XVIIe siècle. Une copie de l'histoire irlandaise par Keating est signée par Antoine O'Conor, franciscain au Collège irlandais de Prague en Bohème, en 1659 (p. 108v). Il contient, en outre, plusiers poésies, religieuses et autres, la plupart composées par des franciscains. Quelques-unes ont été inspirées par la persécution et l'oppression des Irlandais catholiques aux XVIe et XVIIe siècles. J'en voudrais présenter aux lecteurs de cette revue celle qui porte le titre: Lamentation de l'Irlande. James Carthún, franciscain, l'a chantée dans sa captivité. Elle est suivie d'une traduction en vers anglais, pas mal tournés, et d'une autre en distiques latins, qui sont moins bien réussis. Elle se distingue des autres poésies sur le même thème moins par le fond que par la forme. En effet, la plupart des poèmes contenus dans le manuscrit suivent les anciennes règles de la versification irlandaise: les vers ont le même nombre de syllabes (du moins pour leœil); les rimes, l'allitération, tout est conforme aux lois que donne, par exemple, encore O'Molloy dans sa Grammatica Latino-Hibernica (en 1677). Dans notre poème, au contraire, le nombre des syllabes est des plus variables. Au lieu de la rime irlandaise nous y trouvons l'assonance purement vocalique, qui, de plus, ne tient aucun compte de l'orthographe. Dans la plupart des vers, la dernière voyelle accentuée est un e long, écrit é éi éa éu ae. Seulement les vers 90-108 assonnent en a bref, écrit a ai ea. Nous assistons donc à l'irruption d'un nouveau système de poésie, où la prononciation moderne entre dans son droit.