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Généalogie de la Maison de Mac-Carthy anciennement Souveraine des Deux Momonies ou de l'Irlande Méridionale (Author: P. Louis Lainé)

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Histoire de la Maison de Mac-Carthy

L'histoire de la maison de Mac-Carthy38 a été pendant une suite de siècles si étroitement liée à celle


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de la nation irlandaise, qu'il faut nécessairement monter jusqu'au berceau même de cette nation belliqueuse, si l'on veut se rendre compte de l'origine cette illustre famille, et du rang qu'on lui voit tenir parmi les dynasties royales qui ont gouverné les différentes contrées de ce pays jusqu'à l'invasion anglaise en 1169.

L'opinion des savants, soit irlandais, soit étrangers est très-divergente à l'égard de l'époque probable où l'Hibernie fut peuplée. Mais tous s'accordent sur les circonstances relatives à l'établissement dans ce pays de la puissance Scoto-Milésienne.39 Trois fils de Milead (dont le nom a été latinisé par Milesius), roi de Gallice, en Espagne, nommés Heber, Heremon et Ir, accompagnés de Lugad, leur cousin-germain, fils d'Ith, leur oncle paternel, abordèrent en Irlande plusieurs siècles avant l'ère chrétienne, à la tête d'une nombreuse colonie. Après s'être mis en possession de l'île, eux ou leurs


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descendants la divisèrent en royaumes provinciaux,40 qui tous reconnurent comme lien fédéral un monarque suprême, sans toutefois s'astreindre envers ce pouvoir central et modérateur à aucun devoir de vassalité.41 Ces souverainetés, d'une indépendance égale et absolue, furent réparties dans les quatre races des conquérants de l'Irlande, savoir: la race hébérienne,42 dont est descendue en ligne directe la maison Mac-Carthy, d'après le témoignage unanime des historiens nationaux;

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la race hérémonienne,43 celle de Clanna-Rory on race d'Ir,44 et celle d'Ib, Lugad on lugadienne,45 issue de Lugad, fils d'Ith.

Une loi fondamentale,46 qui par son esprit paraît remonter aux premiers temps de cette confédération, en fixant l'hérédité du pouvoir dans chaque race, l'avait en quelque sorte rendu électif quant aux individus. Cette loi, dite de tanistrie, ou de séniorat, appelait à la


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couronne ou au gouvernement de chaque tribu, non pas le prince qui représentait la branche aînée de son sang, selon l'ordre de primogéniture, mais celui en qui se réunissaient l'âge et l'expérience nécessaires. Conformément à cette institution, le taniste ou successeur présomptif était solennellement déclaré et reconnu du vivant du souverain, et de ce moment investi du commandement des années et de l'administration suprême, de la justice. Cet usage explique comment les princes milésiens ont fourni tour à tour des monarques et des rois provinciaux, tantôt de la race hébérienne, tantôt de la race hérémonienne, quelquefois de celle des Clanna-Rory, et d'autres fois de la race des Lugadiens: loi dont la nécessité fut sans doute justifiée par la barbarie des temps qui la vit naîtré, mais d'où l'on vît sortir le germe des sanglantes divisions et de la funeste anarchie qui ont amené l'invasion de l'Irlande et l'anéantissement de sa nationalité.

La race hébérienne, et particulièrement la branche aînée de cette race, dite eugénienne, souche de la maison de Mac-Carthy, royale en Desmond et à Cork, comptait déjà, en 959, quarante-quatre rois provinciaux à partir d'Olioll-Flann-Môr, arrière petit fils d'Eogan-Môr (Eugène-le-Grand) surnommé Mogh-Nuadhad, qui régnait sur la Momonie et la moitié de l'Irlande vers la fin du 2e siècle, et périt à la bataille de Moylena en 192. Parmi cette longue suite de rois eugéniens, la plupart renommés par leurs qualités guerrières, Aongus ou Aeneas a laissé une mémoire vénérée des peuples de la Momonie par l'accueil généreux qu'il fit à saint Patrice, en 448, lors de son apostolat en Irlande, et par la ferveur qu'il mit à propager le christianisme dans son royaume et à fonder et doter richement les premier établissements


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religieux. L'example de ce prince a servi de règle à nombre de ses descendants.47 Par leur pieuse munificence et leurs libéralités, toute la partie de l'Irlande soumise à leur domination a vu s'élever successivement les temples où se célèbrent encore les saints mystères de la foi catholique, et leur zèle, éclairé et purifié par une constante pratique, n'a pas cessé de former le caractère distinctif des Mac-Carthy, soit aux époques de la puissance et de la splendeur de cette illustre famille, soit à travers les vicissitudes qui furent aussi son partage.

Une période remarquable dans l'histoire de cette maison fut celle de l'interruption pendant six siècles (315 à 959), au profit de la branche eugénienne, de la loi de tanistrie ou de succession alternative.48 Un


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prince de Thomond, Mahon, fils de Kinnedy, et chef de la branche des ô Brien, issus de Cormac-Cas, second fils de Mogh-Nuadhad, revendiqua ce droit et le remit on vigueur dans sa branche, à l'exclusion réciproque et presque continuelle des Mac-Carthy. Ce fut le sujet d'une fatale rivalité entre les deux branches. On les vit fréquemment les armes à la main disputer ou défendre ce droit de succession séniorale devenu équivoque par la longue prescription dont se prévalait la branche eugénienne. Celle-ci, après bien des efforts, parvint à ressaisir et à faire respecter le droit d'élection que lui assurait la loi des tanistes, invoquée en 959 par les ô Brien pour la déposséder. Cormac Muithamnagh Mac-Carthy, roi de Desmond ou de la Momonie méridionale, ne se borna pas à réclamer le bénéfice de cette loi: il précipita du trône Conor-na-Catharach ô Brien, et régna deux ans à sa place sur les deux Momnies. Tombé sous le fer d'un assassin en 1138, il eut pour successeur Turlogh ô Brien, frère de Conor, auquel furent associés, d'abord Taig Mac-Carthy, le plus jeune frère de Cormac, de 1151 à 1155, ensuite Dermod-Môr Mac-Carthy, fils du même Cormac, et roi de Desmond et de Cork. Ce dernier prince fut dans un état permanent d'hostilités avec Donall-Môr ô Brien, fils de Turlogh, pour le trône de toute la Momonie. La fureur des guerres privées qui déchiraient l'Irlande était alors à son comble. Toutes les souverainetés qui composaient la confédération hibernienne étaient aux prises et présentaient le tableau d'une combustion générale. Depuis

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long-temps les Anglais méditaient la conquête de l'île et dès 1156 le saint-siège leur on avait accorde l'investiture. Cette affreuse anarchie était trop favorable à leur dessein pour qu'ils négligeassant d'en profiter. Ils abordèrent en Irlande en 1169, et par la constance de leurs efforts et l'habileté de leur politique, ils subjuguèrent tous les rois provinciaux et les forcèrent à rendre hommage à la puissance britannique. Ce fut en 1172 qu'il la suite de plusieurs défaites, Dermod Môr Mac-Carthy se soumit au serment fidélité qu'exigeait Henri II, roi d'Angleterre; faible lien dans l'origine, et trop impuissant pour contenir Dermod et ses successeurs dans les entreprises souvent heureuses qu'ils firent pendant près de deux siècles contre les Anglais de Momonie, soit avec le concours des autres princes confédérés, soit par la seule force de leurs armes.

Cependant les événements qui devaient changer les destinées de l'Irlande portaient un coup funeste à l'existence politique de Mac-Carthy. Le belliqueux Dermod et son fils, Donall-Môr na-Curra Mac-Carthy, célèbre par ses fréquentes victoires sur les Anglais, continuérent à se maintenir dans le titre de rois de Desmond. Mais leurs successeurs, affaiblis par leurs divisions, durent abdiquer cette dignité suprême que douze siècles avaient transmise avec plus ou moins d'éclat à plus de 60 chefs de leur race. Du reste, les Mac-Carthy conservèrent la plénitude de leur indépendance et de leur pouvoir sur leurs sujets, jusqu'aux règnes d'Elisabeth et de Jacques Ier; et quoique dans leurs rapports avec la nation conquérante, ils n'eussent plus que le titre de princes, leur caractère entreprenant et leur nombreux vasselage ont donné souvent de vives inquiétudes aux Anglais. On les vit, indomptés jusqu'à la fin du 17e siècle, tenter


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plusieurs fois par le sort des armes et par le secours d'alliés puissants, de relever le trône des deux Momonies, antique patrimoine de leurs ancêtres. C'est ainsi que dans les trois grandes luttes nationales qui ont marqué l'agonie de la malheureuse Irlande, trois princes de cette maison parurent successivement à la tête de toutes les forces du Munster, savoir: Florence Mac-Carthy Reagh, dit Mac-Carthy-Môr, deuxième comte de Clancare sous le règne d'Elisabeth, Donogh Mac-Carthy-Muskery, comte de Clan-Carthy, à l'époque de Cromwell, et le général Justin Mac-Carthy, vicomte de Mountcashel, sous Jacques I.49

Dans la terrible guerre de 1599, le seule tribu des Mac-Carthy présentait un effectif de 3000 vassaux sous les armes,50 tribu formidable, disent les historiens, si elle n'eût été partagée par de funestes dissensions. (Histoire d'Irlande, par Leland, traduction française, t. IV, pag. 4, 26, 40, 58, 62, 366, 295, 311, 312).

Le titre de prince, conservé par les Mac-Carthy, et reconnu dans leurs traités avec le gouvernement britannique, était affecté aux héritiers des trois principales branches de cette maison, savoir: Celle de Mac-Carthy-Môr, souveraine dans le Desmond moderne et


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en Kerry méridional, d'où les comtes de Clancare; celle de Muskery, d'où les comtes de Clan-Carthy, et celle de Carbery, ou de Mac-Carthy-Reagh. La contrée de Carbery, que la branche de Mac-Carthy-Reagh a possédée en fief absolu et indépendant jusqu'à la 12e année du règne de Henri VII (1496), était, au rapport de Smith, dans son Histoire du comté de Cork, la baronnie la plus considérable de toute l'Irlande. Elle contenait plusieurs territoires subdivisés en 39 paroisses, et habités par les Mac-Carthy-Reagh et leurs branches, ou par leurs feudataires, la plupart issus comme eux de la race eugénienne; savoir: Les ô Donovan, les ô Glavin, les ô Daly et les ô Mahony. Les autres tribus feudataires des princes de Carbery, mais point de race eugénienne, étaient les ô Driscoll, les ô Hea, les ô Coffey, les ô Crowley; et parmi les races anglaises; les Barry-Ogue et les de Courcy, connus sous le nom de Mac-Patrick. Toutes ces tribus rendaient foi et hommage aux Mac-Carthy-Reagh et les suivaient aux combats.51

La richesse territoriale que conservèrent les Mac-Carthy a long-temps rappelé le souvenir de leur grandeur originaire et de leur longue prospérité. Aussi voit-on à toutes les époques les plus illustres et les plus puissantes familles rechercher leur alliance et souvent recourir à leur appui. Comblés de tous les honneurs aux-quels


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les catholiques pussent aspirer sous la domination anglaise, ils furent créés comtes de Clancare et de Clan-Carthy, vicomtes de Muskery et de Mountcashel, barons de Valentia et de Blarney, pairs d'Irlande et d'Angleterre (l'un d'eux au titre de duc). Leurs descendants ont embrassé avec chaleur la cause des Stuarts et ont porté les armes avec une grande distinction dans toutes les contrées où cette légitimité a trouvé des secours et des bras pour la défendre.

Pendant une longue suite de générations, la maison de Mac-Carthy a compté parmi ses auteurs nombre de princes dont la mémoire est restée célèbre, soit par l'éclat de leurs qualités guerrières, soit par la sagesse de leur gouvernement, ou par l'étendue de leurs lumières et de leurs vues politiques. C'est à partir de celte période qu'on voit le sang des Mac-Carthy se transmettre par leurs alliances à la presque totalité des maisons souveraines de l'Europe. Dans les siècles postérieurs, cette maison a donné des officiers généraux, un ambassadeur de premier ordre en la personne de Georges, lord Macartney, et plusieurs saints personnages qui ont marqué dans l'église par leur éminente piété et leur zèle tout apostolique. On cite, entre autres, Dermod Mac-Carthy, évêque de Cork, qui, sous le règne d'Elisabeth, travailla pendant vingt ans à maintenir la foi dans son diocèse (Histoire d'Irlande, par l'abbé Mac-Geoghegan, t. III, p. 564); et, à la même époque, un autre Dermod Mac-Carthy, simple prêtre, qui parvint à la gloire du martyre.52 Dans ces dernières


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années, l'église a eu à regretter la perte d'un de ses plus vertueux et de ses plus illustres prédicateurs, feu M. l'abbé Mac-Carthy, dont la haute éloquence et le profond savoir ont été de nos jours le plus bel ornement de la chaire française.

Les annales historiques et les poèmes nationaux de l'Irlande sont remplis de faits qui retracent, ainsi qu'une foule de monuments que le temps a respectés, la grande existence de cette maison. Parmi les sources anciennes et certaines où il est fait mention des Mac-Carthy d'une manière plus spéciale, on cite le Psautier de Cashel, commencé par Cormac Mac-Cullinan, archevêque de Cashel et roi des deux Momonies en l'an 901, et continué par d'autres annalistes; le poème d'ô Duvegan, historiographe fameux du onzième siècle, qui rapporte la succession des rois et dynastes provinciaux depuis l'établissement de la monarchie irlandaise; le Liber Breac, écrit par Mac-Egan, justicier héréditaire de la maison de Mac-Carthy, dans le douzième siècle; la Chronique des Scoto-Hiberniens, les Annales d'Innisfallen53 de


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Clonmacnoise,54 de Connacie et des Quatres-Maîtres, le Codex Momoniensis, et parmi les autorités plus modernes, les Histoires d'Irlande, de Keating, d'ô Flaherty et de l'abbé Mac-Geoghegan. Ces nombreux témoignages, recueillis par les rois d'armes Ralph Bigland (Clarenceux) et Isaac Heard (Norroy) et complétés par tout ce que le collège héraldique à Londres renferme de chartes et de monuments authentiques sur les Mac-Carthy, ont été transcrits dans un registre de famille, intitulé Généalogie de la royale et sérénissime maison de Mac-Carthy, en deux volumes in folio, parchemin-vélin; le premier volume consacré aux preuves historiques; le second, aux preuves généalogiques; paraphé à chaque page, attesté et signé par ces deux rois d'armes, et scellé du sceau de leur office à Londres, le 8 juin 1776. Ce travail, d'un haut intérêt pour l'histoire d'Irlande, et d'une beauté d'exécution parfaite, existe dans les archives de M. le comte Mac-Carthy-Reagh. Son aïeul, le comte Mac-Carthy-Reagh, s'était fixé à Toulouse avant la révolution de 1789, et avait été admis, aux honneurs de la cour en 1777, d'après les mêmes preuves historiques et généalogiques de son antique et royale origine, vérifiées par M. Chérin père, généalogiste des ordres du roi.

En donnant un article détaillé sur la maison de Mac-Carthy, à l'effet de constater l'état de ses diverses branches,


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leur extinction successive et l'établissement en France de la branche aînée de Mac-Carthy-Reagh, nous nous conformerons à la division en deux parties, observée dans le travail des rois d'armes; la première consacrée à la chronologie des rois de Momonie, depuis Eogan-Môr, tué à la bataille de Moylena en 192, jusqu'à l'invasion des Anglais en 1169; la seconde, établissant la filiation à partir de Cairt'ac', Cairt'aig' ou Carthy, roi de Desmond, mort en 1098, jusqu'à nos jours.

1. Eogan-Môr (Eugène-le-Grand), surnommé Mogh-Nuadhad, descendant d'Héber (fils aîné de Milead, ou Milesius, roi de Gallîce, succéda à son père Mogh-Niad (le Fort) dans la souveraineté de Momonie. Prince guerrier, il aspira à la monarchie de toute l'Irlande, et la disputa à Conn-ked-Cathadh (ou Conn des cent combats), le héros de l'Hibernie au deuxième siècle, et dont Mogh-Nuadhad se montra long-temps le plus redoutable adversaire. Mais vaincu après une lutte terrible et renversé de son trône, le roi de Momonie dut chercher un refuge en Espagne, patrie de ses pères, où il séjourna neuf ans. Ayant épousé Beara, fille d'Heberus, roi de Castille, il se vit bientôt en état de reconquérir sa couronne à la tête d une nombreuse armée que lui fournit son beau-père. Il reparut donc en Irlande, accompagné du prince Frôechus, son beau-frère, attaqua et défit dans dix batailles rangées Conn (Constantin), et le força à partager avec lui la monarchie hibernienne. Ses victoires lui valurent l'adjonction à ses états de toute la partie méridionale de l'Irlande;55 et


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fut à partir de cette époque que le port de Dublin commença à jouir de grands avantages commerciaux. Cependant, entre deux princes également belliqueux la paix ne pouvait être durable. Conn-ked-Cathach supportait impatiemment le souvenir de ses défaites. Il prit les armes, attaqua à l'improviste le camp de Mogh-Nuadhad à Moylena, en 192, et mit son armée en pleine déroute. Le prince Eugénien, surpris dans le sommeil, fut étouffé dans son lit par Goll, fils de Morna, de la race de Sambus, roi de Connacie. Voici en quels termes ô Flaherty, dans son Ogygia (pag. 315 et 316) expose ces faits mémorables: 'Eugenius Magnus Mognuadus ex Heberi sanguine, rex Momoniae, matre Sidâ, filia Flanni, filii Fiachrii, de Ernais Momoniae satus, strenuissimum se antagonistam gessit adversùs Quintum regem, quousque à Quinto solum vertere coactus est. In Hispaniâ novem annos exul, tandem societatem iniit cum Froecho Heberi filio, Midnai nepote, Hispanico principe, cujus sororem Beram in uxorem duxit. Quo duce, magnas advenarum copias in Hiberniam intulit, et non tantù patria Momoniarum sceptra, sed et universam australem Hiberniam, quà Riedoea juga seu Eskir-rieda pereditiores Dublinii plateas ad Medrigiae peninsulae vadum prope Galviam

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rectâ lineâ porriguntur, devicto decem proeliis Quinto pro pacis conditionibus excussit. Unde pars australis exin Leth-Mogha-i-e-Mognuadi medietas; et aquilonaris Leth-Quinn à Quinto denominatur. Annum non amplius unum illa bipartita divisio stetit, cùm Eugenius res novas moliretur. Aquilonarem Dublinii sinum, et portum ad Quintum spectantem navalium vectigalium, piscationum, et commerciorum commodis proecelluisse causatus sibi ex semisse vindicavit. Quapropter pristinae recrudescant simultates; ad Moylena campi in Ferakelliâ regii comitatus regione Ericetum fixis utrimque castris convenitur. Quintus, ut erat viribus longè inferior incautum hostern bene mane adortus est, et profligavit.'

‘Dolus an virtus quis in hoste requirat?’

‘Eugenium nimiùm securè lecto cubantem Gollus Mornoe filius, è Sambi 74 regis Connactiae semine, celebris pugil oppressit. Extant adhùc eo loco duo colles, quorum alter Eugenii, alter Froechi Hispani ibidem occisi, corpus sepultum traditur contexisse.’ ô Flaherty ajoute que Conn, délivré de son compétiteur, conserva sans partage le titre de monarque, et régna 20 ans dans une paix profonde.

2. Olioll–Olom, fils unique de Mogh-Nuadhad et de Beara, fille d'Heberus, roi de Castille, succéda à son père dans la souveraineté de Momonie. En 237, secondé par les trois fils de Cairbre, roi d'Hibernie, il leva une armée contre Nemethus, prince de Momonie, et contre Lugad-Mac-Conn, de la race d'Ith, et beau-fils d'Olioll-Olom. Dans une grande bataille qui se donna


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près de Kenfrebat, Eogan, fils d'Olioll, tua de sa main le druide Dader. À la suite de cette action, Lugad abandonna pour un temps l'Irlande, et à partir de cette époque, Olioll-Olom parait avoir joni sans partage de la souveraineté des deux Momonies, qui durent leur prospérité à la sagesse de son gouvernement. Ce prince avait épousé Saba, fille du monarque Conn-ked-Cathach, qui avait été le compétiteur de son père. Il en eut neuf fils, dont sept périrent, en 250, à la bataille de Moymacroimhe, près d'Athenry, en Connacie, en déscendant Art, leur oncle maternel, à qui Lugad-Mac-Conn, leur frère utérin, disputait la couronne. Eogan-Caom y l'aîné des neuf, fut la souche, par Fiacha-Mullethan, son fils posthume, de la race eugénienne, dont Mac-Carthy est le chef, et qui régna sur la Momonie méridionale, comprenant tout le Desmand. Les deux autres princes qui survécurent à cette fatale journée étaient: Cormac-Cas, dont descend la race dalcassienne (ou du Teste), régnante sur la Momonie septentrionale ou le Thomond, et dont ô Brien est le chef; et Cian (on prononce Kian), duquel sont issus les ô Carroll, près d'Ely, les ô Connor-Kinaghta, les ô Meagher, les ô Hara et les ô Gara. Voici en quels termes ô Flaherty (pag. 326 et 328) parle de cas événements et de la loi quoi établissait la succession alternative entre les descendants des deux fils d'Olioll-Olom, Eogan-Caom et Cormac-Cas: 'Olillus Olom rex Momoniae, Eugenii Mognuadi ex Berâ Hispanicâ filius, et Quinti regis Hiberniae, per Sabem filiam secundis nuptiis junctam, gener, cum filius suis, et tribus Carbreis Conarii secundi régis Hibernià filiis aciem instruunt anno 237 apud Kenfrebat, adversus Nemethum

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Ernaorum Momoniae principem, qui Conario secundomortem intulit violentam, et adversùs Lugadium Mac-Con, patre Macniadae, avo Lugadio Laidio filio Darii, aposteris Lugadii filii Ithi prognatum. Olilli, Sabâ matre, privignum. In quo praelio Eugenius Olilli fiiius Daderam druidem interfecit. Ab hoc quoque praelio, Olillus, privigno oemulo ultrà mare amandato, Momoniae universae principatum a videtur auspicari, quem viginti tres annos primus ex Heberi sobole, suorum ipsius filiorum Eugenii, et Cormaci-Cas posteris alternatim gerendum, dum salva res stetit Hibernica, in perpetuam transmisit, cùm prias Lugadii illius partira majores, partim supervenientes Heremonis progenies Ernai vices suas obirent.—Lugadius hic (Mac-Con), postquam Kennfebratensi proelio à vitrico et sociis anno 237 fusus est, in transmarinis partibus exul, tandem cum immensâ alienigenarum manu in sinu Galviensi appulsus, infra septem post appulsum dies Arturum regem, feriâ quintâ (uti, Tigernachus signanter notat), ingenti clade, apud Moymucroimhe prope Athenriam octo millibus passuum Galviâ dissitam, praelio evertiti Forga rex Connactiae inter alios ab Arturi parte cecidit, ab eâdem quoque parte occubuerunt septem Arturi regis esc Sabâ sorore nepotes, filii Olilli-Olom regis Momoniae, et Lugadii ipsius fratres uterini, Viz: Eugenius, Dubmercon, Mogcorb, Lugadius, Achaius, Dicorb et Thadaeus, quibus, superstite patre Olillo, superfuerunt duo ex eodem toro germani Cormacus-Cas à patris morte rex Momoniae, et Kienus Kienactorum, sive Keniadûm, Eliorum, Lugniorum et Galengarum per Tadoeum filium sator. Eugenio fratrum seniori, à

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Benco principe Britone hâc acie perempto, supererat ex Monicâ filiâ Dil Druidis filius post patris casum matris interitu natus. Fiachua-Latus-Vertex post Cormacum patruum rex Momoniae, cujus posteri Eugeniadae terras ab ipsia possessas, Eoganactas-i-e Eugenie tribum dixerunt. Hae sunt Eoganacta Aniae, Eoganacta Lacus Leni, Eoganacta Casiliae, Eoganacta Rath-Lennae. Eoganacta Glenndamnach vallis, Eoganacta Arannae in sina Galviensi insulae, et Eoganacta Rosargaid, praeter Eoganactam de Moy-Gerrgin, ubi Fordunum oppidum, in Marria (March) in Scotiâ Britannicâ. Extat poema pervestuslum Olilli regis nomine ad Fiachum nepotem, deplorans septem filiorum in Mucromio proelio, proesertim Eugenii casum et Fiachi pupilli miseriam patre, et matre orbati.'

3. Cormac-Cas, second fils d'Olioll-Olom, succéda à son père en 260, et fut souverain des deux Momonies et roi de Leath-Mogha ou de toute la partie méridionale de l'Irlande. Ce prince est cité comme l'un des trois champions les plus renommés qui aient existé en Irlande de son temps. Il obligea trente fois les îles britanniques lui donner des ôtages. La Momonie lui fut redevable d'un système de finances qui établit l'ordre le plus régulier dans les revenus de l'état, et garantit les peuples contre toutes malversations. Cormac épousa Samara, fille de Fion-Mac-Cumhall, célèbre général de la milice irlandaise, et forma l'illustre branche des Dal-Cais, souche des ô Brien, Mac-Mahon, Mac-Namara, ô Kennedy, etc. (Voyez le Livre de Momonie; le docteur Keating, pag. 234, 235; ô Flaherty, pag. 328, et Mac-Curtin, pag. 105.)


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4. Fiacha-Mullethan (Fiachus-Latus-Vertex), fils unique d'Eogan-Caom, succéda à son oncle Cormac-Cas dans la souveraineté des deux Momonies, en vertu de la loi qui réglait la succession alternative. Il lut aussi le 5e roi de Leath-Mogha. En 270, Cormac-Ulfada, alors monarque d'Irlande, étant entré à main armée dans la Momonie, avec le dessein de forcer le roi à lui payer un tribut additionnel, Fiacha assembla à la bâte toutes ses forces, et marcha au monarque, qu'il rencontra à Cnoc-Luingé. Sa présence jeta une telle terreur dans l'armée ennemie, qu'elle tourna le dos et s'enfuit dans la Lagénie. Fiacha la poursuivit avec tant d'acharnement qu'il força le monarque à demander une capitulation. Le roi de Momonie y consentit, mais il fit remettre entre ses mains les principaux seigneurs de la cour de Cormac-Ulfada, pour demeurer en otages jusqu'à ce que leur souverain eût amplement compensé les dommages que son incursion avait causés aux sujets de la Momonie. Peu de temps après cet evénement, Fiacha fut assassiné par un prince de son sang, Conla, descendu de Cian, 3e fils d'Olioll-Olom, lorsqu'il se baignait dans la rivière Suire, à un lieu nommé Aith-Uisjoil. (Voyez Keating, pag. 263, 264, 265; ô Flaherty, pag. 235, 236, et les Annales d'Innisfallen.) Il laissa deux fils, Olioll-Flann-Môr et Olioll-Flann-Beg, dont nous parlerons ci après.

5. Mogh-Corb, fils de Cormac-Cas, succéda à Fiacha-Mullethan dans la souveraineté des deux Momonies, ainsi qu'à la couronne de Leath-Mogha. En 291 il s'unit à son oncle maternel Oisin, fils de Fion, et se mit avec lui à la tête de la milice de l'Irlande, révoltée des persécutions que lui faisaient souffrir Cairbre-Liffeachair


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et Aodh ou Aidus, roi de Connacie. Mogh-Corb et son allié entrèrent en Lagenie et livrèrent bataille au monarque près de son palais royal de Temora, en un lieu nommé Gabhra, que cette sanglante journée a rendu mémorable. Cairbre et 2800 hommes de son parti y furent tués. Mais la majeure partie de la célèbre milice irlandaise périt dans cette bataille. Moins heureux à celle de Spaltrack, dans la Momonie, où avait pénétré le même Aodh, roi de Connacie, Mogh-Corb fut défait et tué dans l'action. (Voyez le docteur Keating, pag. 286, et ô Flaherty, pag. 341, 342.)

6. Olioll-Flann-Môr, fils aîné de Fiacha-Mullethan, succéda il Mogh-Corb et régna 17 ans sur les deux Momonies; se voyant mourir sans postérité, il adopta son frère Olioll-Flann-Beg, auquel il légua, par son testament, en 313, et son royaume et sa fortune particulière (Keating, pag. 265; ô Flaherty, pag 381). C'est de cette époque que date la suspension pour un long laps de temps, au préjudice de la branche dalcassien, de la loi de tanistrie ou de succession alternative.

7. Olioll-Flann-Beg, successeur d'Olioll-Flann-Môr, régna trente ans sur les deux Momonies et fut le 7e roi de Leath-Mogha. Il mourut en 343, laissant quatre fils:

1. Eochy ou Achaius, dont nous allons parler;

2. Daire-Cearb, 9e roi de Leath-Mogha, père de Fidach, onzième prince appelé à la même couronne, celui-ci père de Criomthan-Môr, monarque d'Irlande, en 366.56


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3. Luigh ou Lugadius, père de Corc, duquel descend la branche royale de Mac-Carthy;57

4. Eogan, ancêtre de S. Evan, patron de la race eugénienne, lequel vivait au commencement du septième siècle.58

Voici ce que ô Flaherty a consigné dans les fastes de son Ogygia (pag. 381, 382), sur la postérité des quatre fils d'Olioll-Flann-Beg:

Crimthanni regis abavus Fiachus-Latus-Vertex rex Momoniae duos Olillos genuit, Flann-Môr et Flann-Beg cognominibus distinctos, Ollius-Flann-Môr rex Momoniae, sobolis expers, Olillum-Flann-Beg fratrem adoptavit. Olillo-Flann-Beg regi Momoniae supererant Achaius rex Momoniae, Darius-Kearb (ex quo ô Duvegan) Lugadius, et Eugenius,


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praeter Fidachum Crimthanni regis et Mongfinnae reginae Hiberniae patrem, genuit Fiachum-Figente et Achaium-Liathanach, ex quo Hy-Liathan in agro Corcagiensi. Fiaco-Figente nomen, et originem debet Hy-Figenta regio, olim variis principibus celebris, in mediâ Momoniae planicie usque ad medium montis Luachra in Kierrigiâ ad australem Sinanni fluminis ripam; licei hodiè hoc nomine vix nota, sed a Limericensis comitatus planicies appellata... ... ...Eugenio filio Olilli-Flann-Beg abnepos extitit alius a Eugenius seax sanctorum pater, qui ita in vitâ et post mortem signis et virtulibus claruerunt, ut singulis pia posteritas coelestes decreverit honores. Hi sunt S. Cormacus, S. Becanus de Kilbocan in Muscrigiâ, S. Culanus de Glenn-Caoin, in Hy-Lughaid in Momaniâ, S. Evinus de Rosm-Hic-Treoin, S. Dermetius de Kilmacneoguin in Carbriâ Sligoensi, et S. Boetanus de Kilboedan in Dalaradia.'

8. Eochy ou Achaius, fils aîné d'Olioll-Flann-Beg, monta sur le trône dés deux Momonies en 343. (L' Ogygia ne fait point ici mention du règne de Fercorb, fils de Mogh-Corb, descendant de Cormac-Cas, quoiqu'il se trouve inséré à cette époque dans le Catalogue des rois de Momonie, par Philippe ô Sullivan.)

9. Corc; fils de Luigh ou Lugadius par sa première femme, petit-fils d'Olioll-Flann-Beg, se vit obligé dans sa jeunesse de se retirer secrètement en Ecosse, pour se dérober aux suites funestes de la passion désordonnée quo Daéla, sa belle-mère, avait conçue pour lui. Il épousa dans cette contrée Mongfionn, fille de Feradach, roi des Pictes, après la mort de laquelle il


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revint en Irlande, et se remaria avec Bebhionn, fille d'Aongus ou Aenas Bolg, roi de Corcaluighe. Depuis son retour en Hibernie, Corc fit paraître une sagesse si consommée et une si haute valeur, qu'il devint souverain des deux Motnônies au préjudice de Conall Eachluath, prince de la Branche dalcassienne, que Criomthan, monarque issu de la branche eugénienne, avait élevé sur le trôné des deux Momonies. Ce prince fut le premier qui fixa à Cashel la résidence des rois de Momonie. Il fut aussi le 14e roi de Leath-Mogha. Il moirut en 379; (Keating, pag. 295, 296; ô Flaherty, pag. 408, et ô Halloran.) Il avait eu:

De Mongfionn, première femme:

1. Maine — Leamhna ou Maine de Lenox, qui s'établit en Ecosse et fut la tige des Môr-Mhaor-Leamhnas, nom équivalent à celui de Grands Stewarts de Lenox, qui ont ensuite été successivement créés comtes et ducs de Lenox; et ainsi du côté maternel il devint la souche des rois d'Ecosse et d'Angleterre du nom de Stuart;

2. Cairbre-Luachra, appelé aussi Cairbre-Cruithneach ou le Picte, dont descendent les familles d'Eoganaght-Loc-Len ou ô Moriarty, dans la Momonie, et d'Eoganaght-Muighe-Gherbhin, dans le comté de March en Ecosse;

3. Cronan, qui repassa en Hibernie à l'âge de trente ans, et qui par son mariage avec Cairea, fille de Laogaire-Mac-Nial, monarque d'Irlande, obtint dans le Meath occidental le territoire que, du nom de sa femme, on appella Cuirone, et qui forme aujourd'hui la baronnie de Kilkenny occidental, ou pays de Dillon;

De Bebhionn, seconde femme:

4. Nadfraoch, roi des deux Momonies, dont nous parlerons plus bas;

5. Cas, duquel sont descendus les ô Mahony, du comté de


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Cork, et les ô Donoughou, du comté de Kerry. (Voyez une notice sur la maison ô Mahony, t. III, p. 69 du Nobiliaire universel de France.)

ô Flaherty (pag. 382-385) parle en ces termes du roi Corc et de ses enfants: Corcus Olill-Flann-Beg ex Lugadio filio nepos rex Momoniae et regum Momoniae stirps, primus Casiliae regiam fixit in jam a Tiperariae comitatu. Corca-Eathrae dicitur regio in quâ sita est, quam Amergini fitii Milesii posteri olim tenebant à Tipraid-Farann, juxtà monasterium a Sanctae Crucis Huachter-Lamhann dictum ad Dunandreas, ad borealem partem de Knockgra-Fann in longum protensam. — Daela filia Fiachrii Muschrigiae domini Corcum noverca deperiit: sed ad patris torum violandum omnes irritae erant illecebrae; quamobrem illa privignum in thalamo suo comprehensum vim sibi intulisse inclamavit. Unde Corcus a patre ablegatus in Albaniam contendit, ibique ex Feradachi Pictorum regis filiâ Mongfinnâ, quam duxit, tres filios suscepit, vid. Manium-Leamhna seu Levinium, a quo genus traxerunt prisci Levinae comites in Scotiâ; Carbreum Pictum, qui et Carbreus-Luachra nuncupatus, apud Luacariam Kierrigiae montem in Momoniâ nutritus, a quo Eoganact seu Eugeniae de Loch-Len, unde ô Murchetty satus in Momoniâ, et Eoganact de Moygerrginn in Marriâ Scotiae comitatu oriundi; et Cronanum qui in Hibemiam adveniens tricenarium, ubi Bruighin-Da-Chocca jacet, cum Carchiâ uxore obtinuit Cuircniam ab eâ nominatum, quae hodiè Kilkenniae baronia in Vestmidia est. Corcus patriam repetens Achaio patruo successit rex Momoniae, et ex Aeneae-Bolg Corcalaidiae principis filiâ Natfraichum et Cassium


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procreavit. Natfraichus, Momoniae itidem rex Aeneam primum Momoniae regem christianum et Olillum procreavit, de quitus suo loco. A Cassio (ô Donnochi et ô Mahoni originem duxerunt... ...Post Corcum e vivis sublatum, Crimthannus rex Hiberniae, Conallo Each-Luath, ut refert Ketingus, quem sibi filium adoptavit, Cormaci-Cas regis Momoniae adnepoti,59 Momoniae principatum tradidit: verum in poemate regum Momoniae, inter eos non numeratur.

10. Nadfraoch, fils de Corc, a tenu pendant 20 ans le sceptre de Momonie et fat aussi le 16e roi de Leath-Mogha (ô Halloran). II fut père de 1re Aongus, qui lui succéda; 2e d'Olioll, bisaïeul de Cuan, et celui-ci aïeul d'Edirsgeol, dont on parlera plus bas.

11. Aongus ou Aeneas fut le 1er roi chrétien de la Momonie et le 18e du Leath-Mogha, Au commencement de la 5e année du règne de Laogaire, monarque d'Irlande, c'est-à-dire en l'année 432, S. Patrice entrant dans la carrière apostolique, commença à introduire l'évangile dans cette contrée. Aongus, roi de Momonie, informé des premiers succès de cet apôtre, se rendit solennellement à sa rencontre, et l'ayant joint à Magh-Feimhin, il engagea le saint à venir faire sa résidence dans son palais royal de Cashel (448). Ce fut dans ce palais que S. Patrice instruisit Aongus des principes de la religion chrétienne, et qu'il l'admit à la communion


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de l'église en lui conférant le baptême, grâce à laquelle toute la noblesse de sa conr voulut participer.

Voici ce qu'en dit Colgan in vita tripartitâ Sancti Patricii: Dum vero Momoniam proficisceretur (D. Patricius), venit obviam ei rex Momoniae Aongus, filius Nadfraoch, in campo Feimhin in terrâ Deisi, eumque duxit in civitatem regalem nomine Caisil quae est in regione Eoganacht, ibique credidit Aongus et baptisatus est, etc. Le même auteur fait mention d'un accident grave arrivé à ce prince pendant qu'il était devant les fonts baptismaux. Saint Patrice voulant fixer en terre son bâton pastoral, dont le bout, à cet effet, était armé d'un fer aigu, l'appuya violemment, mais par inadvertance, sur le pied du roi qu'il perça d'outre en outre. L'embarras du prince est facile à comprendre; mais ce qui paraît surprenant, c'est que, malgré la douleur excessive que devait lui causer la blessure, et nonobstant l'abondance du sang qui en sortait, ce néophyte couronné avait l'âme si remplie du respect que méritait la religion qui l'adoptait par le baptême; qu'il ne fit aucun mouvement pour changer sa situation pénible, jusqu'à ce que la solennité eut été accomplie. Cùmque sanctus Patricius regem stando benedixisset, cuspis basculi sancti fixa est in pede regis, etc. Le premier acte du roi de Momonie, après sa conversion, fut la construction de l'église de Cashel, consacrée par saint Patrice avec une grande pompe, et qui fut érigée en métropole du Leath-Mogha. Pour assurer à l'apôtre d'Irlande et à son clergé les moyens de s'entretenir d'une manière convenable, Aongus statua que chaque habitant des deux Momonies qui serait admis au baptême, paierait 3 sous par an au profit de l'église; mais peu de temps après, ce prince jugeant


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de l'incommodité qu'éprouvaient les ecclésiastique faire par eux-mêmes la collecte de ce droit, occupation qui les détournait des fonctions de leur ministère, il ordonna que le produit en serait perçu par ses officiers et versé dans son trésor royal. et en conséquence il s'engagea pour lui et ses successeurs à fournir chaque année 500 vaches, 500 moutons, 500 tonnes de fer, 500 manteaux et 500 chemises pour l'usage des couvent, et des autres maisons religieuses que S. Patrice établis, et cela fut régulièrement observé jusqu'au règne de Cormac-Mac-Cullinan, dout on parlera ci-après, (Voyez l'Histoire d'Irlande du docteur Keating, in-fol., pag. 332, 333, et Mac-Curtin, pag. 139). L'ouvrage intitulé Liber-Breac par Mac-Egan, rapport qu'Aongus, fils de Nadfraoch, roi de Momonie, était un prince pieux qui entretenait sa cour deux évêques, dix prêtres et soixante-douze personnes choisies dans différents ordres religieux. Ce clergé nombreux, charge de desservir sa chapelle royale, devait y célébrer messe et adresser sans cesse au ciel des prières, pour prospérité du souverain et du royaume. Aongus était dirigé dans son zèle par les conseils de S. Patrice, guide spirituel, et ce fut par ce moyen que l'esprit de dévotion se soutint à la cour de Momonie pendant la longue durée de son règne. Ce prince perdit la vie à la bataille de Kil-Osnach, ou Moy-Fea, près du vieux Loghlin, dans le comté de Carlow, l'an 489, selon les Annales des Quatre Maîtres, ou en 492, suivant celles d'Innisfallen, ou en 490, selon l'opinion la plus probable suivie par ô Flaherty. Les autorités sur lesquelle on a fondé le récit qui précède assurent qu'Aongus avait été marié deux fois, et que de ses deux femmes il avait en vingt-quatre princes et autant de princesses; et que

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pour montrer le respect que lui inspiraient les pieuses institutions de S. Patrice, il en voua douze de chaque sexe au service de Dieu, en les consacrant à la vie monastique et religieuse. Ces auteurs ont conservé les noms des douze autres de ce premier roi chrétien de Momonie, les neuf premiers issus de son premier mariage les trois autres d'Eithne, sa seconde femme, fille de Criomthan, fils d'Eana-Cinsalach, roi de Lagenie:

  1. Feidlim, dont l'article suit;
  2. Eochy (Eochaid), troisième roi chrétien des deux Momonies dont sont descendus les Eoganaghts de Glann-Damnach ou ô Keeffe;
  3. Dubh'Ghilcach;
  4. Carrthan;
  5. Nafireg, ou Nadfraoc;
  6. Aodh ou Eanda, ancêtre des ô Daly;
  7. Felim;
  8. Loscan;
  9. Dathy;
  10. Breasal, de qui est descendu Cormac-Mac-Cullinan, célèbre par ses vêrtus chrétiennes et par sa science dans l'antiquité, prince qui fut le 40e roi des deux Momonies de la branche eugénienne et archevêque de Cashel (nous en parlerons plus loin).
  11. Sinach;
  12. Aodh-Caoach ou Aidus Caecus.

12. et 13. Feidlim ou Felim et Eochy, les deux premiers, fils d'Aongus succédèrent à leur père et gouvernèrent en commun la souveraineté des deux Momonies.


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14. Criomthan-Sreib, ou autrement Criomthan-Feimhin, fils d'Eochy et petit-fils d'Aongus, succéda à son père en 525, et fut le 4e roi chrétien des deux Momonies. Il fut tué l'an 551, dans la fameuse bataille de Feimhin, que, de concert avec son fils et successeur Cairbre-Crom, il avait livrée à Colman-Beg, fils de Dermod, monarque d'Irlande, dans laquelle Colman fut tué et vit massacrer la plus grande partie de son armée. (Voyez les Annales de Clonmacnoise et le docteur Keating, p. 568.)

15. Cairbre-Crom, qui reçut ce nom du lieu où il avait été élevé, et qu'on nommait Crom-Gluisse, recueillit avec la couronne tous les avantages de la victoire à Feimhin, dont on a parlé ci-dessus, et dans laquelle il fit briller une grande valeur. Ce prince fit don à S. Colman-Mac-Leinin et à son église du territoire de Clonuama (Cloyne), et mourut en 575, selon les Annales des Quatre Maîtres.

(Ici les Annales d'Innisfallen placent Aodh-Caom pour le premier prince chrétien de la branche dalcassienne qui soit monté sur le trône des deux Momonies, en ajoutant qu'il mourut en 601, fait qui n'est attesté par aucun historien ancien d'Irlande).

16. Aodh-Duff ou Aidos-Niger, fils de Criomthan, fils de Feidlim, fils d'Aongus, succéda à Cairbre-Crom et fut le 6e roi chrétien des deux Momonies. Il eut pour successeur:

17. Fergus-Scannal, 7e roi chrétien des deux Momonies, fils de Criomthan-Mac-Dearcon (surnom qui lui avait été donné en ajoutant à son nom celui de


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sa mère), et ce dernier frère de Criomthan-Sreib. Fergus mourut en 580, selon les Annales des Quatre Maîtres.

18 et 19. Gabhban et Amalgad, tous deux fils du prince Eanda, fils d'Olioll, second fils de Nadfraoch, fils de Corc, ont tenu en commun le sceptre des deux Momonies.

20. Feidlim ou Felim y fils de Cairbre-Crom, devint, par la forme de succession établie, souverain des deux Momonies, et mourut en 590, suivant la Chronique des Scoto-Hiberniens.

21. Finghin, Fyneen ou Florence,60 fils d'Aodh-Duff ou Aidus Niger, monta, par droit de succession légale sur le trône des deux Momonies et fut le 22e roi de Leath-Mogha. Dans la première année de son règne, c'est-à-dire en 590, il assista, de même que tous les autres princes et chefs de la nation, au concile de Drom-ceat, convoqué par Aodh ou Aidus, monarque d'Irlande, de la maison d'I-Nial, et auquel se trouvait saint Columb-Kill, abbé de Hy ou d'Iona, en Ecosse. Finghin mourut en 619, selon les Annales d'Innisfallen, qui ajoutent qu'il régna conjointement avec son beau-père Aodh-Beannan, décédé la même année. (Voyez aussi le docteur Keating, p. 373, et l'Histoire d'Irlande de l'abbé Mac-Geoghegan, t. I, p. 300.)

22. Aodh-Beannan, second fils de Cormac, frère de Fergus-Scannal, n'était roi que de la Momonie occidentale, selon les Annales des Quatre Maîtres, qui


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mettent sa mort à 614. Mais les Annales d'Innisfallen ainsi qu'on l'a dit ci-dessus, et le docteur Keating, le comptent parmi les rois des deux Momonies. Ce dernier auteur ne diffère qu'à l'égard de l'époque du décès d'Aodh-Beannan, qu'il rapporte à l'an 622. Le poème d'ô Duvegan ne fait aucune mention de ce souverain.

23. Cathal, fils d'Aodh-Flann-Catrach, fils de Caibre-Crom, régna 8 ans sur les deux Momonies et mourut en 626, selon la Chronique des Scoto-Hiberniens, ou en 627, après les Annales d'Innisfallen.61

24. Failbe-Flann (le Rouge), fils d'Aodh-Duff ou Aîdus Niger, et frère de Finghin, fut appelé à succession des deux Momonies et au trône de Leath-Mogha, dont il fut le 23e souverain. Ce prince mourut en 636, selon les Annales d'Innisfallen, ou en 637 suivant ô Flaherty (p. 424.)

25. Cuan, surnommé le Champion célèbre de Leath-Mogha, fils d'Amalgad, fut le 14e roi chrétien des deux Momonies et le 27e roi de Leath-Mogha. Keating (pp. 401, 406), le propose à tous les princes comme un modèle de magnificence et de charité, et dit qu'on le vit continuellement occupé à secourir les pauvres et les indigents, à répandre ses bienfaits sur les gens à talents de tous états et à exercer l'hospitalité envers les étrangers. En 648, à la tête des Eugéniens, il livra à Dermod, fils d'Aodh-Slaine, monarque d'Irlande, la mémorable bataille, de Carn-Conuill, dans


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laquelle il périt, ainsi que Cuan-Conuill, roi de Hy-Fi-gente, et Talmonach, roi de Hy-Liathain. (Les Annales d'Innisfallen mettent cette action à l'an 643.)

26. Maolduin, fils d'Aodh-Beannan, succéda à la souveraineté et fut le 15e roi chrétien des deux Momonies. Il tua en champ clos le fameux Comusgach, roi de Faly, et mourut en 662. (Histoire d'Irlande par Keating, p. 415)

La Chronique des Scoto-Hiberiens et les Annales d'Innisfallen mettent Congal, fils de Maolduin, au nombre des rois de Momonie, fixant sa mort, la première en 689, et les dernières en 690; mais le poème d'ô Duvegan n'en fait aucune mention. Il parait néanmoins que ce Congal partagea la souveraineté avec Fionngaine, fils de Cugan-Mathair, au commencement du règne de ce prince.

27. Maonach, fils de Finghin, succéda et fut le 16e roi chrétien des deux Momonies. Le docteur Keating (p. 407) le met au rang des saints, et d'accord avec la Chronique des Scoto-Hiberniens, il fixe à l'année 662 sa mort que les Annales d'Innisfallen mettent en 657. Il paraît que ce prince n'a régné que peu de mois.

28. Cugan-Mathair, fils de Cathal, fils d'Aodh-Flann-Catrach, étant monté sur le trône en vertu de la succession constitutionnelle, fut le 17e roi chrétien des deux Momonies. Il mourut en 666, selon la Chronique des Scoto-Hiberniens, dont la version doit être préférée à celles des Annales des Quatre Maîtres et des Annales d'Innisfallên, qui placent sa mort, les prémières, en 660, les secondes, en 662

29. Colgan, fils de Failbe-Flann, fut le 18e roi


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chrétien des deux Momonies et le 25e souverain de Leth Mogha, et mourut en 677. (Annales d'Innisfallen et ô Halloran.)

30. Fionngaine, fils de Cugan-Mathair, succéda fut le 19e roi chrétien des deux Momonies. Il mourut en 697 suivant la Chronique Scoto-Hiberniens. Les Annales d'Innisfallen dévancent sa mort d'une année et lui donnent pour successeur son frère Olioll, sans faire mention d'Eidirsgeol, contrairement au poème d'ô Duvegan, qui parle du premier sans même donner le nom du second, quoiqu'il paraisse que les deux frères ont gouverné le royaume conjointement pendant les six dernières années de règne de Fionngaine.

31. Eidirsgeol, fils de Maolduba, et petit-fils de Cuan, fils d'Amalgad, succéda à la souveraineté et fut le 20e roi chrétien des deux Momonies, et le 29e roi de Leath-Mogha.

32. Cormac, fils d'Olioll, fils de Cugan-Mathair. 21e roi chrétien des deux Momonies, fut tué dans une bataille que lui avaient livrée les habitants de Desies, événement placé à l'année 712 par la Chronique des Scoto Hiberniens et les Annales d'Innisfallen et à l'année 710 par les Annales des Quatre Maîtres.

Les Annales de Tigernach ou de Clonmacnoise et la Chronique des Scoto-Hiberniens lui donnent pour collègue dans le gouvernement Cormac, fils de Maonach, dont elles rapportent la mort à l'année 711, quoiqu'ô Duvegan n'en fasse aucune mention.

33. Cathal-Gionach, fils de Fionugaine, et petit fils de Cugan-Mathair, succéda et fut le 22e roi


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chrétien des deux Momonies. L'histoire fait mention d'une sanglante bataille qu'il livra en 735, à Belleach Feilé, au roi de Lagénie. Ce ne fut qu'après un horrible carnage et des pertes presque égales des deux côtés que une victoire se fixa enfin sous les drapeaux de Cathal. Ceallach, fils de Faobair, roi d'Ossory, périt dans cette bataille. Dans des conférences tenues en 757, à Tirda Glass, dans le comté d'Ormond entre Cathal, roi de Momonie, ou Hugh-Olland, monarque d'Irlande, on délibéra sur les moyens d'augmenter les revenus des établissements religieux fondés par S. Patrice, dans toute l'étendue de l'île, et une loi particulière fut faite à ce sujet. Dans cette assemblée les deux princes formèrent une étroite alliance et se jurèrent une amitié réciproque ot constante. Dès l'année suivante, pour remplir cette convention, Cathal unit ses forces à celles du monarque contre les Lagéniens. Ces derniers, attaqués à Athseanuigh, se défendirent avec le courage du désespoir, Hugh, fils de Colgan, roi de Lagénie, qui commandait l'armée de son père, périt dans cette action mémorable avec la principale noblesse lagénienne et 9,000 de ses guerriers. Le monarque Hugh-Ollan y fut dangereusement blessé, et Hugh, fils de Mortogh, qui partageait avec lui la souveraineté de l'île, mourut des blessures qu'il y avait reçues. Quant à Cathal, roi de Momonie, il survécut quatre ans à cette victoire et finit ses jours eu 742. (Voyez les Annales Innisfallen et l'Histoire d'Irlande du docteur Keating, p. 413.)

34. Tuathal, successeur de Cathal en 742, fut le 23e roi chrétien des deux Momonies.

35. Airtre, fils de Cathal-Gionach, succéda et


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fut le 24e roi chrétien des deux Momonies, et le 30e souverain du Leath-Mogha (d'ô Halloran). Son règne fut spécialement remarquable par l'apparition hostile des Danois en Irlande. Avant cette époque jamais ces peuples n'avaient songé à pénétrer dans cette île. Ce fut en 815 qu'ils y prirent terre, à un lieu nommé Caomh Inis-Obhrathadh, à l'occident de la Momonie, avec une armée nombreuse qu'avaient transportée 60 voiles. Leur premier soin fut de saccager les côtes, de piller Inis-Labhraine et Dair-Inis; et de réduire en cendres villes, bourgs, monastères et tout ce qui se trouvait sur leur passage. Informé de ces brigandages et de ces cruautés, Airtre lève à la bâte un corps de troupes eugéniennes et va présenter bataille aux barbares qu'il met dans une déroute complète après leur avoir tué 416 hommes. Les fuyards durent leur salut à l'obscurité de la nuit. Cet échec les fit rembarquer précipitamment et regagner leur patrie. (Keating, pp. 316, 317, 318.)

36. Feidlim, fils de Criomthan, fut légalement appelé à la couronne des deux Momonies en 820, selon les Annales d'Innisfallen. Il réunit à cette couronné celle de Leath-Mogha, dont il fut le 31e roi. Les Danois et les Normands, échappés à la défaite qu'Airtre leur fit essuyer, avaient emporté dans leur pays le souvenir de la richesse et de la fertilité du sol de l'Irlande. Ils ne tardèrent pas à faire de nouveaux préparatifs pour envahir ce pays. Ce fuit en 822 qu'une puissante flotte de ces barbares, partie des côtes de la Norwège, aborda sur celle de la Momonie. Leur présence fut aussitôt signalée par toutes les calamités que le fer et le feu peuvent commettre dans les mains d'une horde impitoyable, guidée moins par l'ambition de conquérir, que par


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le désir du pillage et de la destruction. Feidlim touché des malheurs de ses sujets et de la dévastation des églises et des maisons religieuses, leva en diligence une armée, marcha aux Normands, dont il fit un grand carnage et força le surplus de ces pirates à abandonner à toute hâte le royaume. Débarrassé de ces terribles ennemis, Feidlim, tourna ses armes, en 823, contre Cathal, fils d'Olioll, roi d'Hy-Maine. Ce dernier soutint vigoureusement le choc du roi de Momonie à Moy-ai, en Connacie. Feidlim, irrité de cet échec, attendit qu'une conjoncture favorable lui permît d'en tirer vengeance. Elle se présenta en 832. Ce prince, à la tête de son armée, attaqua les Connaciens près d'Easroid, et leur fit éprouver une défaite complète. De là il marcha contre les Hy-Nial, dévasta tout le pays ainsi que le terriritoire de Breifné, et força tous les lieux par où il passait à reconnaître son autorité. Poursuivant avec opiniâtreté cette longue guerre, il traversa le Meath, portant partout laterreur de ses armes, et après avoir saccagé tout ce qui s'offrit sur sa route depuis Birr jusqu'à Tara, il livra dans ce dernier lieu, au monarque Nial-Caille, une sanglante bataille dans laquelle fut tué Inrachtach, fils de Malduin. Victorieux, Feidlim assembla les états de la nation à Clonmacnoise, en 840, y reçut l'hommage du monarque et fut proclamé roi suprême de toute l'île, (Annales d'Innisfallen; Keating, pp. 417 à 426.) Les historiens disent que sur la fin de ses jours ce conquérant déplorant les ravages que son armée avait causés sur tant de pays et de domaines ecclésiastiques qu'elle avait traversés, abdiqua les grandeurs pour prendre l'habit religieux. Il reçut les ordres sacrés, devint archevêque de Leath-Mogha, et mourut en 845, honoré par sa piété et sa sagesse

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Optimus et sapiens anachoreta Scotorum quievit disent les auteurs contemporains, en parlant de sa mort. (Voyex l'Histoire d'Irlande, par l'abbé Mac-Geoghegan, p. 330.)

37. Otcobar, fils de Cionnfhadith, fils de Congal, fils de Maolduin, qui était fils d'Aodh-Beannan, quoique abbé et évêque de Jubhar ou Emly, sut par son caractère ambitieux et guerrier, fixer le choix des états de la nation pour succéder à Feidlim au trône des deux Momonies et à celui de Leath-Mogha. Sous son règne, Turgesius, prince de Norwège, qui pendant plusieurs années avait répandu la terreur par le funeste succès de ses expéditions, fit une nouvelle descente à la tête d'une armée formidable. Tous les corps partiels de Danois et de Normands qui se trouvaient dans l'île accoururent sous ses bannières et le saluèrent comme leur généralissime et leur roi. Les chefs et les princes d'Irlande durent songer à unir leurs forces contre leurs ennemis communs. Otcobar, impatient de réprimer les dévastations de ces barbares, en attaqua un corps nombreux près de Cashel, et le mit en fuite après lui avoir tué 500 hommes. De là voulant poursuivre sa victoire, il se pressa de joindre son armée à celle de Lorcan, fils de Ceallagh, roi de Lagénie, attaqua en 849 à Skiathne-Achtair, dans le Desies, une armée de Danois commandée par Tomar, prince héréditaire de Danemark, et la mit dans une déroute complète avec perte de 1200 hommes restés sur le champ de bataille, ainsi que leur chef, le prince Tomar. Otcobar lui-même périt dans le fort de cette glorieuse action, lorsqu'il passait de rang en rang pour soutenir, par son exemple, le courage des Eugéniens. (Annales d'Innisfallen; Keating, p. 431;


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Jacques Ware, Annales d'Irlande, 848; Catalogue des évêques d'Emly, par le même auteur; Mac-Geoghegan, p. 330.)

38. Algenan, fils de Dungaile, fils de Daolgus, fils de Nadfraoch, fils de Colgan, fils de Failbe-Flann, succéda au trône de Momonie dont il fut le 27e roi chrétien et mourut en 851, suivant les Annales des Quatre Maîtres.

39. Maolguala, fils de Dungaile, et frère d'Algenan, lai succéda, et fut le 28e roi chrétien deux Momonies. Sous le règne de ce prince, Maolseachlain, monarque d'Irlande, touché de la situation malheureuse dans laquelle se trouvait ce pays sous l'oppression tyrannique des Normands, convoqua une assemblée générale de la nation irlandaise à Rath-Aoda-Mac-Bric. Les princes, la noblesse et le peuple s'y rendirent de tous les points de l'île, pour délibérer sur les intérêts communs. Entre les résolutions qui furent arrêtées, on cite celle qui détermina Moalguala, roi de Momonie, et Carrol, roi d'Ossory, à faire la paix avec les princes de Leath-Cuinn, ou de la moitié septentrionale de l'Irlande, afin de s'unir à la cause nationale contre les barbares. Mais ces derniers, poussé parle désespoir, attaquèrent inopinément le roi de Momonie, et l'ayant fait prisonnier ils le lapidèrent impitoyablement. (Voyez Keating, p. 443; les Annales des Quatre Maîtres rapportent à l'année 857 cet événement que les Annales d'Innisfallen placent en 859.)

40. Ceanfaola ô Maolguala, fils de Mochtighernan, fut le roi chrétien des deux Momonies, et le 33e souverain de Leath-Mogha. En 860 il assembla


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toutes les forces de ses états pour marcher contre I–Nial et en confia le commandement à son cousin Cearbhall, fils de Dungaile. Ce général dévasta tout le territoire ennemi jusqu'à Sleivefnaid, et en reçut l'hommage. Le roi de Momonie mourut en 872, après un règne de 15 ans. (Annales d'Innisfallen; Keating, p. 445.) Le chevalier Jacques Ware, qui place aussi la mort de Ceanfaola à l'année 872, a compris ce prince dans le catalogue des abbés ou évêques d'Emly.

41. Donchad ou Donogh, fils de Dubhdabhorean, parvint à la couronne des deux Momonies immédiatement après la mort de Ceanfaola; et par le secours de Cearbhall, à la tête des troupes d'Ossory, il envahit la Connacie, en réduisit les peuples à l'obéissance, et revint dans ses états avec un butin considérable. Il mourut en 888 après un règne de 16 ans. (Annales d'Innisfallen.)

42. Dublachtna, fils de Maolguala, succéda à la souveraineté des deux Momonies, dont il fut le 31e roi chrétien, et fut aussi le 35e roi de Leath-Mogha. (Annales d'Innisfallen.)

43. Fionngaine, surnommé Cinegan, fils de Gorman, fut le 32e roi chrétien des deux Momonies et le 36e roi de Leath Mogha. Les Annales des Quatres-Maîtres disent qu'il fut assassiné par Ceilliochair, son frère, en 897. Celles d'Innisfallen attribuent sa mort à une sédition de ses propres sujets en 902. Enfin une troisième version qui parait plus accréditée porte qu'il fut déposé en 901.

44. Cormac-Mac-Cullinan, archevêque de Cashel et roi des deux Momonies, naquit en 837, sous


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le règne de Feidlim III. Elevé dans l'abbaye de Dysart-Diarmada appelé de nos jours Castle-Dermod, dans la Lagénie, il montra dès sa plus tendre jeunesse un pendant décidé pour l'étude. Les connaissances profondes qu'il s'acquit dans les sciences ecclésiastiques et humaines ne contribuèrent pas moins que se haut piété à son élévation sur le siège archiépiscopal de Cashel. Ce fut ce prélat qui mu par la vénération que lui inspiraient les nobles antiquités de son pays, les recueillit et en forma un corps d'ouvrage intitulé le Psautier de Cashel, contenant les annales de son temps et des siècles antérieurs. Ce monument précieux pour l'histoire d'Irlande a conservé dans l'opinion des savants une si haute estime, qu'aucun historien national ne s'est dispensé d'y recourir comme à une source digne de la plus entière confiance. Ce prince, de toutes les qualités de l'esprit, ne possédait pas à un degré moins éminent celles qui constituent le sage législateur et le grand guerrier. Aussi les peuples de la Momomie l'appelèrent ils tous d'une commune voix à la couronne en 901. Il consacra les cinq premières années de son règne préparer les maux qu'avaient causés les guerres domestiques et les invasions étrangères. Tout prît une face nouvelle sous la sagesse de son gouvernement. La police intérieure fut rétablie; un ordre régulier fut apporté dans l'administration des revenus publics; une paix profonde, une securité parfaite firent refleurir le commerce agriculture, et sortir de leurs ruines une foule de monuments sacrés ou nationaux tombés sous le ravage sacrilège des barbares. Cormac-Mac-Cullinan ne se horna point à jouir du bonheur présent de ses sujets; il songea à créer des institutions qui le leur garantissent dans l'avenir. Ce fut à cette sage prévoyance que l'en dut l'établissement

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de ces écoles publiques et de ces académies où la jeunesse trouva les secours et les guides nécessaires pour s'instruire dans les sciences et les arts libéraux. Tel était l'état florissant de la Momonie lorsque Flann-Sionna, fils de Maolseachlain, monarque d'Irlande, inquiet de la puissance progressive de son voisin, parut tout-à-coup en Momonie, sans aucune déclaration de guerre, et à tête d'une puissante armée, dévasta le pays jusqu'à Limerick. Cormac, plus occupé du soin de rendre ses peuples heureux que préparé à repousser une agression aussi imprévue, crut devoir mos mentanément céder le terrain à son ennemi. Cette apparente timidité n'était de sa part que le prélude d'une satisfaction éclatante. Dès qu'il a rassemblé toutes ses forces il appelle à son conseil Flahertach-Mac-Ionmhuinen, abbé d'Innis-Catha, et marche aussitôt dans le Meath à la rencontre de Flann. Celui-ci, attaqué à Moylena, dispute la victoire en désespéré, mais à la fin elle fut complète pour le roi de Momonie. Flann, après avoir vu périr à ses côtés presque toute sa noblesse et sa vaillante armée de Leath-Cuinn, fut contraint d'envoyer des ôtages à Cormac pour garantie des conditions que ce dernier lui avait imposées. Cormac, résolu de poursuivre l'avantage qu'il venait d'obtenir, marcha contre les Connaciens et les I-Nial, qu'il força aussi, après une suite de succès, à lui envoyer des ôtages à Moy-na-Curadh. Dès que ce grand prince eut conquis une paix glorieuse sur ses voisins jaloux, il revint dans sa résidence de Cashel pour se livrer avec un nouveau zèle aux soins intérieurs de son gouvernement et au bonheur de son peuple. Mais l'ambition de son premier ministre, Flahertach-Mac-Ionmhuinen, abbé d'Innis-Catha, et prince du sang royal, n'était point satisfaite.


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Il prétendait que la Lagénie, comme partie intégrante de Leath-Mogha, devait être soumise à un tribut ou rente dominiale, droit, disait-il, qui résultait de la division le tout le royaume, laite entre Mogh-Nuadhad et Conn. Le prélat voyant que son immense crédit sur l'esprit du roi allait échouer contre l'injustice de cette prétention, appela à l'opinion de tous les princes et grands du royaume dont il se disait l'organe, et qui s'étaient ralliés à son avis. Malgré son extrême répugnance, Cormac voyant toute sa cour convaincue de l'équité de cette révendication, leva une nombreuse armée composée de l'élite des troupes provinciales et fit tous les préparatifs nécessaires pour assurer le succès de ce projet. Dès qu'il eut reçu de sa noblesse et de son armée l'assurance de vaincre ou de mourir pour soutenir le droit de la nation, ce prince, préoccupé, sans en être alarmé, de l'idée qu'il ne reviendrait pas de cette expédition, envoya à Comgol, son confesseur, personnage de beaucoup de jugement et d'une dévotion exemplaire, l'ordre de se rendre auprès de lui pour le reconcilier avec Dieu. Ensuite ayant fait son testament, dans lequel on trouva plusieurs riches donations en faveur des maisons religieuses, au commencement d'août 908, toujours accompagné de l'abbé d'Innis-Gatha, il s'avança avec son armée vers les frontières de la Lagénie. Avant de les franchir, il envoya à Carrol, fils de Muiregan, roi de cette province, un héraut chargé de lui faire part du motif de sa présence et de réclamer le tribut annuel qu'il regardait comme un droit attaché à sa couronne, la Lagénie faisant partie du Leath-Mogha. Carrol, informé du projet des Eugéniens, s'était ligué secrètement avec Flann-Sionna, monarque d'Irlande, le roi de Connacie et la tribu d'I-Nial, qui, tous brûlaient du désir de se


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venger des revers qu'ils avaient essuyés l'année précédente. Pour donner le temps à ses alliés de joindre leurs forces aux siennes. Carrol entre en négociations avec le roi de Momonie. Il faut croire que ses intentions la paix étaient réelles, puisqu'indépendamment de riches présents qu'il fit porter à Cormac et à son ministre par ses ambassadeurs, il fit offrir pour ôtages son propre fils et celui du souverain de Hy-Cion-Salach. Ces dispositions satisfaisaient Cormac ainsi que son armée. Mais l'inflexible Flahertach persistait dans une agression qui n'avait plus d'antre prétexte que la soif du sang et l'avidité des conquêtes. L'opposition de plusieurs chefs qui menaçaient de se retirer et qui effectuèrent cette menace ne fit qu'accroître l'opiniâtre aveuglement du ministre eugénien. Il osa même pousser l'insolence dans le conseil jusqu'à imputer à la faiblesse et à la crainte les sentiments de justice et d'humanité qui disposaient Cormac à la paix. Ce prince, que la piété armait d'une patience héroïque; crut devoir dissimuler cet outrage, et n'ayant pu prévenir l'événement qu'il pressentait, donna ordre de lever le camp et de se mettre en marche. L'armée eugénienne se dirigea vers l'Orient en traversant Ib-Mhairce ou Hy-Margy (aujourd'hui baronnie de Slew-Margy), et fit à halte au pont de Loghlin pour attendre la jonction de ses divers corps. Cette jonction effectuée, Cormac alla camper dans les plaines de Moy-Ailbe, dans le bas Ib-Mhairce, s'appuyant d'un coté à un bois. Flahertach et le roi d'Ossory prirent en commun le commandement de l'aile droite; celui de la gauche fut confié à Cormac-Mac-Mothlaig, souverain de Desies, général expérimenté: le roi de Momonie se réserva la direction da centre. Ce fut en cette position que le 16 août 908, l'armée de la

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Lagénie, supérieure en nombre de cinq à un, composée des troupes les mieux choisies et les mieux disciplinées qui fussent dans toute l'Irlande, se montra avec cette contenance que donné l'espoir certain de la victoire. Le premier choc fut terrible. Au moment où la terreur commençait à mettre le désordre dans l'armée momoienne, un prince du sang royal, Ceilliochair, frère de Cingegan, prédécesseur de Cormac, qui dès l'origine s'était constamment opposé à cette guerre, parcourut les rangs et s'adressant avec vivacité aux soldats, il les conjura de chercher leur salut dans une honteuse fuite, s'ils ne voulaient pas être taillés en pièces, leur persuadant que tout l'odieux de cette lâche conduite retomberait sur imprudent ministre qui avait voulu cette guerre. À peine eut-il achevé cette harangue qu'il s'éloigna au galop du champ de bataille. Ce fut le signal d'une déroute générale. Les soldats, ne songeant plus qu'à sauver leur vie, jettent leurs armes et sortent pêle-mêle de leurs rangs. Ceallach-Mac-Carrol, roi d'Ossory, désespéré du massacre affreux que l'ennemi faisait de ses troupes, abandonna également le champ de bataille. C'est en vain que Cormac s'efforce de rallier ses soldats par l'exemple d'un courage téméraire. Entraîné dans le tumulte et la confusion universelle, il fut précipité par son cheval dans un trou d'où quelques fuyards le tirèrent avec peine, et dans le plus triste état. Dès que ce prince fut placé sur une nouvelle monture, il se porta au sommet d'une montagne à l'effet de reconnaître la situation de l'armée; mais il trouvé le terrain cocivert du sang des malheureux massacrés dans le combat si glissant, que son cheval, ayant fait an faux pas, roula avec lui jusqu'au pied de la montagrie. Quelques soldats ennemis; sans égârd pour la majesté de sa personne,

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séparèrent la tête de son corps et la portèrent au monarque d'Irlande. Flann-Sionna, loin d'applaudir à cette action barbare, prit entre ses mains cette tête vénérable la baisa, et fit voir par ses regrets généreux, qu'il était moins préoccupé des avantages de sa victoire que pénétré du grand et douloureux exemple d'instabilité de la gloire terrestre qu'il avait sous les yeux. Il donna ordre de chercher le corps de Cormac, et après qu'on l'eut trouvé il voulut qu'on suivît religieusement pour ses obsèques ce qui se trouvait prescrit dans son testament. Maonach, confesseur de Comgol, recueillit les dépouilles du prince eugénien. Elles furent transportées en grande pompe à Dysart-Diarmuda (aujourd'hui Castle-Dermod), où elles furent inhumées avec tous les honneurs dus à son rang. On a suivi dans ce qui précède l'Histoire d'Irlande du docteur Keating (pp. 447 à 459). Mais on croit devoir faire observer que le chevalier Jacques Ware, dans son catalogue des prélats de Cashel, et l'abbé Mac-Geoghegan (pp. 397, 398) assurent que le roi Cormac a été enterré à Cashel, malgré les dispositions contraires contenues dans son testament. Telle fut, après un règne de 7 ans, la fin déplorable d'un prince également éclairé, humain, bienfaisant et sage. Avec lui périrent dans cette fatale journée, qu'on appelle aussi Bealach-Mughna, Fogartach, fils de Suibhne, seigneur suzerain de Kerry-Cuirke; Ceallagh, fils de Carrol, souverain d'Ossory; Ailliol, fils d'Eogan, abbé de Cork; Maolgorm, prince de Rathlinn; Maol-morha, chef de Kerry-Luachra; Colman, seigneur suzerain et abbé de Cinneity, ainsi que premier brehon ou chef justicier de la Momonie: Cormac-Mac-Mothly, chef de Desies; Dubhagan, souverain de Fermoy; Ceann-faola, prince d'Ib-Conuill; Aod, chef d'Ib-Liatan;

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Daniel, qui régnait à Dun-Cearmna; cum multis aliis è nobilibus non numeratis et 6000 hommes de troupes provinciales. L'ambitieux abbé d'Innis-Catha fut fait prisonnier avec nombre de personnages considérables. On verra plus loin quelle a été la destinée de ce prélat. (Annales d'Ultonie et d'Innisfallen.)

45. Lorcan, fils de Conlegan, succéda, en 908, à Cormac, fils de Cullinan, et fut le 34e roi chrétien des deux Momonies, qu'il gouverna pendant six ans. Les écrivains qui ont traité de la race dalcassienne assurent que ce Lorcan en descendait, comme fils de Lachtna. Mais ô Duvegan, dans son Catalogue des souverains, le fait membre de la branche eugénienne, et fils de Conlegan. Il est vrai que le docteur Keating (p. 452), avance que Cormac, présageant que la bataille de Bealach-Mughna lui serait fatale, fit divers réglements pour assurer la tranquillité intérieure de la Momonie, et entre autres fixa l'ordre de succession à suivre après sa mort: qu'à cet effet il envoya un exprès à Lorcan, fils de Lachtna, roi de Thomond ou de la Momonie septentrionale, pour l'inviter à se rendre à son camp, avant qu'il sortît des frontières de ses états pour conduire ses troupes à l'ennemi; que de prince ayant consenti à se rendre à cette invitation, Cormac, aussitôt son arrivée, assembla le conseil des grands de la nation et des chefs de l'armée, tous de la race eugénienne, et leur déclara, en leur présentant le prince de Thomond, que pour prévenir toute dissension funeste à sa mort, il appelait è recueillir le sceptre de Momonie Lorcan, à qui ce droit appartenait incontestablement, selon la loi de succession alternative établie anciennement par Olioll-Olom, en faveur de la postérité de ses deux fils, Eogan-Caom


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et Cormac-Cas, et qu'il se flattait que personne ne serait difficulté de ratifier cette nomination, et de reconnaître ce prince pour leur roi futur, ce qui entraîna un consentement unanime de toute la nation. Un récit aussi positif dans toutes ses circonstances eût été d'un grand poids pour donner du crédit à l'opinion des auteurs qui ont écrit l'histoire de la maison dalcassienne, si ce même, Keating n'ajoutait que toutes les précautions prises dans cette occasion par Cormac devinrent inutiles, attendu qu'à sa mort les chefs de la branche eugénienne refusèrent absolument de reconnaître ce Lorcan, fils de Lachtna, et élevèrent un autre prince sur le trône des deux Momonies. Le même historien ajoute (p. 449), que les annales authentiques d'Irlande assurent, en termes exprès, que depuis le règne d'Aongus, fils de Nadfraoch, roi chrétien de Momonie (il eut dû dire depuis le temps d'Olioll-Flann-Môr, pour se conformer à la liste des rois de la branche eugénienne), jusqu'à l'élévation de Mahon, fils de Kinnedy, prince dalcassien, il y avait eu 44 souverains pris dans la postérité directe d'Eogan-Caom, fils d'Olioll-Olom, et que pendant tout ce temps la tribu Dalcassienne n'avait eu d'autres terres en possession que celles du royaume de Thomond.62 On doit donc conclure que le successeur immédiat de Cormac a été Lorcan, fils de Conlegan, prince eugénien.

46. Flaithertach, fils d'Ionmhuinen, abbé et évêque d'Innis-Catha, succéda à la couronne des deux Momonies en 914 selon la Chronique des Scoto-Hiberniens.


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On a vu plus haut que ce prince avait été fait prisonnier à la sanglante bataille de Bealach-Mughna. Conduit en triomphe à Kildare, il demeura au nombre les captifs du roi de Lagénie. Le clergé de celte derrière province, indigné de tous les maux que l'ambition force née de ce prélat avait causés, le confina dans une étroite prison, où il eut à souffrir les plus sévères traitements tant que vécut Carrol, roi de Lagénie. Un an environ après la mort de ce roi, Flahertach obtint sa liberté. Mais pour le soustraire au ressentiment du peuple, il fallut qu'une pieuse abbesse de Ste. Brigitte, nommée Murioan, intercédât auprès des ecclésiastiques les plus influents, à l'effet d'obtenir une garde pour la sûreté et conduite du prélat jusqu'à Moy-Nairb, sur les frontières de la province. Instruit par le malheur, Flahertach se retira dans son abbaye d'Innis-Gatha, où il passa ses jours dans les exercices de la piété la plus exemplaire.

A la mort de Lorcan, il fut tiré de sa retraite et placé sur le trône. Il n'y démentit point l'heureux retour qui s'était opéré en lui-même, et sut se concilier l'affection de ses sujets, tant par ses qualités privées que par celles qui constituent les grands rois. Les actions de sa vie sont détaillées dans un très-ancien traité de Cluain-Aidnach-Fiontan en Leix, dans lequel toutes les particularités de la bataille de Bealach-Mughna sont rapportées de la manière la plus circonstanciée par le célèbre Dallan, historiographe de Carrol, roi de Lagénie. On ajoutera à ces faits tirés du docteur Keating (pp. 461, 462), que Flahertach mourut en 944, selon les Annales des Scoto-Hiberniens et celles d'Innisfallen.

47. Ceallachan, fils de Buadachan, plus communément connu dans l'histoire sous le nom de Callaghan-Cashel


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monta sur le trône des deux Momonies, en 944, immédiatement après la mort de Flahertach qui plusieurs années auparavant l'avait fait déclarer taniste, c'est-à-dire son successeur, et lui avait confié le commandement des troupes provinciales. Ce général avait rendu d'importants services à son pays. En 936, il avait emparé Clonmacnoise, dans le Meath; puis en Cluain-Iraird, de Cluain-Aineach et de Cill-Aice. d'où il remporta de riches dépouilles. Dans cette dernière expédition il fait assister d'un corps de Danois: mais dès 941 il tourna ses armes contra ces étrangers établis dans la province de Desies et dans Derkeferna en Ossory, et leur tua 2000 hommes. Tant de prospérités successives semblaient lui présager une gloire sans nuage, lorsqu'immédiatement après cette dernière expédition, Mortogh, fils de Nial-Glunduff, en son vivant monarque d'Irlande, voulant venger les dépredations que ce général avait commises sur le territoire de Meath, quelques années suparavant, se jeta à l'improviste sur le pays de Cashel, surprit et assiégea Callaghan, le fit prisonnier et le livra à Donogh, fils de Flann-Sionna, alors monarque d'Irlande; mais cet illustre captif négocia bientôt liberté et l'obtint à des conditions sur lesquelles les annalistes gardent également le silence. Dès que Callaghan eut succédé au trône de Momonie et à la couronne de Leath-Mogha, dont il fut le 58e roi; il vit s'elever un compétiteur puissant dans la personne de Kennedy, père de Brian-Boruma, roi de Thomond ou de la Momonie septentrionale.

Les deux partis en vinrent aux mains à Magh-Duiné. La victoire, long-temps incertaine, se décida après une action des plus sanglantes, en faveur de Callaghan. Celui ci, rafermi sur son trône, tourna ses armes contre les Danois


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dont, en 945, il dévasta tous les établissements qu'ils avaient formés sur son territoire. Ce prince mourut en 954, selon la Chronique Scoto-Hiberniens et les Annales d'Innisfallen, quoique les Annales des Quatres-Maîtres veuillent qu'il soit mort en 952. Il porte de signaler les deux anecdotes supposées, relatives à Callaghan, rapportées par Keating, et reproduites dans Histoire d'Irlande de l'abbé Mac-Geoghegan.

En premier lieu, Keating prétend que Kinnedy, fils de Lorcan, prince d'un crédit puissant dans le pays, no fut pas plutôt informé de la mort de Flathertach, qu'il convoqua les états de toute la province à Gleannamhuin (aujourd'hui Glanworth), dans le comté de Cork, pour y déclarer et faire reconnaître son droits ou trône des deux Momonies. La mère de Callaghan, sans se laisser intimider, entra dans cette auguste assemblée et fit, en présence de Kinnody, un exposé si clair et si pathétique de la justice de l'élévation de son fils à la couronne de Cashel, fondée incontestablement sur l'ordre de succession alternative, anciennement établi par Olioll-Olom que le prince de Thomond, ajoute Keating, eut la générosité de se soumettre à ces raisons et de renoncer à ses prétentions par déférence pour cette princesse, respectable par son grand âge.

Voici le second fait avancé par Keating: Callaghan ayant reçu de Sitric, fils de de Turgesius, tyran danois, l'invitation perfide de se rendre à Dublin, sous la promesse de lui donner en mariage Bevionne, sa soeur, ne fut pas plutôt arrivé au rendez-vous, accompagné de Donchuan, fils de Kinnedy, que le traître Sitric les fit charger de chaines et les envoya à Ardmagh pour en disposer selon ses vues sanguinaires. L'historien ajoute que Kinnedy, aux soins duquel Callaghan avait confié


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l'administration de ses états pendant son absence, formé de la captivité des princes, rassembla toutes le forces de terre et de mer de la Momonie, et les fit partir en diligence sous la conduite de Donogh ô Keeffe, prince de Fermoy, général accrédité par ses talents et valeur, et de Failbe-Fionn, prince de Corcaguinny, dans le Kerry occidental, amiral de Munster, renommé par son expérience. Ces généraux unirent leurs farces respectives, et ayant atteint la flotte danoise à la hauteur de Dundalk, sur la côte du comté actuel de Louth, ils la battirent à immolèrent à leur vengeance le perfide Sitric et ses deux frères Tor et Magnus, et ramenèrent triomphants les deux illustres captifs.

Tel est le précis des anecdotes rapportées par Keating, et dont les invraisemblances ont été signalées par Vallencey, et par le docteur ô Brien, en 1770. La plus frappante est la légèreté avec laquelle on suppose que Callaghan aurait quitté ses états pour se rendre à Dublin sur une simple promesse de mariage avec la soeur de Sitric, laquelle devait être âgée de près d'un siècle à l'époque où l'on place cet événement, puisque Turgesius, son père, avait péri dès 845.63 Néanmoins ô Halloran, historien estimé, qui a écrit postérieurement au docteur ô Brien, et qui par conséquent pouvait profiter de sa critique, a remis ces anecdotes au jour, en en rectifiant les détails d'après d'anciens manuscrits.

48. Maolfoghartaigh, successeur de Callaghan au trône des deux Momonies en fut le roi chrétien et mourut en 957. (Voyez les Annales d'Innisfallen.)


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49. Dubhdabhoireann, fils de Donall 38e roi chrétien des deux Momonies, remporte une grande victoire sur les Danois aux bains de Mone-Môr, et fut tué par les habitants d'Hy-Liathan, sujets de la branche eugénienne, et par conséquent vassaux de sa couronne. Les Annales d'Innisfallen datent cet événement de l'année 959, version préférable à celle des Annales des Quatre-Maîtres qui le rapportent à l'an 957.

50. Feargradh, Fils d'Algenan, monta sur le trône et fut le 39e roi chrétien des deux Momonies et en même temps le 39e roi de Leath-Mogha. Il est expressément dit dans le catalogue des rois de Cashel, inséré dans l'ouvrage connu sous le titre de Livre de Momoniè, que ce souverain fut tué, en 960, par Maolmuadh, prince eugénien, fils de Broin, chef des ô Mahony.

51. Mahon, fils de Kinnedy, roi de Thomond, fut le 1er prince de la maison Dal-Cais, qui en succédant à la couronne des deux Momonies, interrompit la longue succession des princes de la branche eugénienne qui sans discontinuité avait fourni 44 rois. Mahon réunit aussi sur sa tête la couronne de Leath-Mogha, dont il fut le 40e roi. Ce prince fut assassiné de sang-froid par le même Maolmuadh, en 915, après un règne glorieux de 16 ans, auquel se rapporte l'entière expulsion des Danois du Leath-Mogha. (Chronique des Scoto-Hiberniens et Annales d'Innisfallen.)

52. Maolmuadh, fils de Broin, était le prince de la branche eugénienne le plus puissant et le plus ambitieux. Parvenu au comble de ses voeux par l'assassinat


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de Mahon pas plutôt assis sur le trône des deux Momonies, auquel il joignit aussi la couronne de Leath Mogha, qu'il vit s'élever dans Brian-Boruma, frère de Mahon, un compétiteur redoutable. Ce dernier, à tête des Dalcassiens, remporta, en 978, une victoire décisive à Bealagh-Loachta, sur Maolmuadh. Les Annales d'Innisfallen, Tigernach et la Chronique des Scoto-Hiberniens disent que Morogh, fils aîné de Brian, qui combattait pour la première fois, ayant obtenu le consentement de son père, alla à la rencontre de Maolmuadh, l'attaqua avec fureur, le vainquit et le sacrifia aux mânes de son oncle Mahon.

53. Brian Boruma ou des Tributs, troisième fils de Kinnedy, roi de Thomond, monta sur la trône des deux Momonies en 978, et devint monarque d'Irlande. L'histoire le rappelle comme l'un des plus grands hommes qui aient gouverné l'Hibernie. Ce furent les glorieux travaux de ce prince qui assurèrent à sa postérité le sceptre des deux Momonies, dont elle a joui par exclusion presqu'entière de la branche eugénienne, représentée par la maison de Mac-Carthy, jusqu'à l'invasion anglaise. Brian-Boruma, âgé de 89 ans, fut tué au sein de la plus mémorable victoire qui eut été gagnée sur toutes les forces des Danois unies, dans la plaine de Clontarf, près de Dublin, le vendredi saint, 23 avril de l'an 1014. Les dépouilles de ce roi aussi vénéré par ses vertus qu'admiré par ses qualités guerrières, furent transportées avec grande pompe à Ardmagh, et solennellement enterrées au côté septentrional de l'église cathédrale, dans un monument de marbre orné de sculptures. (Annales d'Innisfallen et toutes les histoires d'Irlande.) Moréri, édition de 1759, t. VIII, pp. 8, 9,


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10 et 11, a consacré à ce prince une notice historique-étendue.

54. et 55. Taig et Donogh ô Brien, fils de Brian-Boruma, succédèrent à leur père, sous le titre de co-regents des deux Momonies. Mais Taig ayant été trahi et tué en 1023, par les perfides insinuations de son frère, celui-ci se trouva seul roi du Leath-Mogha. Il y joignit bientôt le titre de monarque de toute l'Irlande. Cette prospérité ont un terme. Turlogh ô Brien, son neveu, prit les armes contre lui et vengea la mort de son père on détrônant Donogh, en 1o64, selon les Annales d'Innisfallen, de Tigernach et la Chronique des Scoto-Hiberniens. Donogh, humilié dans son orgueil et troublé dans sa conscience, alla solliciter à Rome l'absolution de ses crimes. Il fit présent au pape de sa couronne d'or massif et des autres ornements précieux de sa royauté, présent que les souverains pontifes regardèrent plus tard comme une donation qu'il leur avait faite de son royaume. C'est sur ce fondement qu'un siècle plus tard, Nicolas Brakspear, Angluis de naissance, qui tenait le siège de Rome sous le nom d'Adrien IV, se crut en droit de conférer l'Irlande à Henri II, roi d'Angleterre.

56. Turlogh ô Brien I, fils de Taig et petit-fils de Brian-Boruma, fut proclamé roi des deux Momonies en 1064. Peu après il fut élu monarque de toute l'Irlande. Il mourut dans son palais de Ceann-Cora, en 1086, et fut enterré en grande pompe dans l'église de Killaloe (Annales d'Innisfallen, de Tigernach et Chronique des Scoto-Hiberniens.) Ce monarque avait toujours été lié d'une étroite amitié avec Guillaume-le-Roux, roi d'Angleterre, auquel il avait fait présent


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d'autant d'arbres de chêne d'Irlande qu'en avait exigé la charpente du toit de l'abbaye de Westminster. S. Lanfrank, archevêque de Cantorbèry, dans une de ses lettres, écrivait à Turlogh dans les termes suivants: Magnam misericordiam populis Hiberniae tunc divintus collatam, quando omnipotens Deus Terdelacho magnifico Hiberniae regi jus regiae potestatis super illam terram concessit.

57. Muireartach ou Mortogh-Môr ô Brien, successeur de Turlogh, son père, fut le 50e roi chrétien des deux Momonies et le dernier monarque d'Irlande de la famille hébérienne. Après un règne glorieux, s'apercevant que son corps et son esprit s'allaiblissaient également, résolu de consacrer le reste de ses jours à la vie religieuse, il abdiqua la couronne de Moinonie, en 1116, en faveur de Dermod ô Brien son plus jeune frère, et mourut à Lismore, en 1119, dans les exercices d'une profonde piété. Son corps fut inhumé dans l'église de Kilialoe. La mémoire de ce prince ne fut pas moins honorée pour son courage et la sagesse de sa politique. Saint Anselme, archevêque de Cantorbery, lui écrivait ainsi; Muredaco glorioso et magnifico Hiberniae régi salutem cum orationibus, etc. Il fut la souche illustre des Mac-Mahon, princes de Corcabaskin dans la province de Thomond.

58. Dermod ô Brien, troisième fils de Turlogh, fut proclamé roi des deux Momonies immédiatement après l'abdication de son frère Mortogh. Il mourut en 1120 après quatre ans de règne. (Voyez les Annales d'Innisfallen, le Continuateur des Annales de Tigernach et la Chronique de Scoto-Hiberniens.)


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59. Connor-Na-Catharach ô Brien, connu également sous le nom de Slaparsalach (robe souillée), fils de Dermod et son successeur, jouit paisiblement de la couronne des deux Momonies jusqu'en 1134. À cette époque, Cormac Muithamnagh Mac-Carthy, roi de Desmond ou de la Momonie méridionale, se prévalut du droit que lui donnait la loi de succession alternative, prit les armes contre Connor, et se fit reconnaître, en 1136, roi des deux Momonies. Mais après deux ans de règne, ce prince eugénien fut assassiné par Dermod-Sugach ô Connor-Kerry, poussé à cette action barbare par Turlogh ô Brien, frère cadet de Connor-na-Catharach. Ce dernier, remis en possession du trône des deux Momonies, en jouit jusqu'à sa mort arrivée en 1142. Ce fut ce prince qui fonda l'abbaye irlandaise de Saint-Pierre de Ratisbonne, en Allemagne.

60. Cormac Muithamnagh Mac-Carthy, dont on a parlé dans l'article qui précède, fut le 53e roi chrétien des deux Momonies.

61, 62. Turlogh ô Brien II, second fils de Dermod, succéda à son frère Connor et jouit pendant neuf ans, sans rivalité, de la souveraineté des deux Momonies. Mais à partir de l'année 1151, Taig Mac-Carthy fut admis à partager le gouvernement et à exercer la royauté en commun avec loi. Cette société dura l'espace de quatre ans. Taig étant mort on 1155, l'administration suprême demeura sans partage à Turlogh ô Brien. Cependant bientôt après, ce dernier, cédant aux instances de Turlogh ô Conor, roi de Connacie, et de Dermod Mac Morogh, roi de Lagénie, partagea de nouveau la royauté avec Dermod-Môr Mac Carthy, roi


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de Desmond. Ces deux princes gouvernèrent avec une égale autorité jusqu'à la mort de Turlogh, arrivée en 1167.

63. Dermod-Môr Mac-Carthy, resté seul roi des deux Momonies, eut constamment les armes à la main contre Donall-Môr ô Brien, fils de Turlogh, qui lui putait cette couronne. Ce fut à la laveur de ces funestes dissensions, qui durèrent jusqu'à la mort de Dermod, en 1185, que les Anglais parvinrent à subjuguer, partie de l'Irlande. Nous reviendrons plus bas avec plus de détails sur Dermod-Môr, chef de l'illustre maison de Mac-Carthy.

64. Donall-Môr ô Brien, fils de Turlogh, jouit pair siblement, à partir de l'année 1185, de la petite portion de puissance qu'il lui était possible d'exercer sur toute la Momonie, et mourut en 1194. Ce prince fut le dernier roi des deux Momonies, dont les Anglais achevèrent successivement la conquête. Son corps fut solennellement enterré dans l'église de Killaloe.