Le récit que nous publions ici est extrait du Book of Lismore, fos 126a1140a2, d' après Stokes ( Lives of the Saints) ou fos 168a1182a2, d' après la numération que porte le manuscrit. Celui-ci se trouve actuellement déposé à la bibliothèque de Chatsworth House (Derbyshire). Il en existe à Dublin quatre copies. Trois copies conservées à la Royal Irish Academy: 1) Une copie de la main d' O'Curry, fo. 169176. Cette copie s'arrête au milieu du section 70.
2) Une copie du 19e siècle, R.I.A. 23 C 6 (et non 23 C 16, comme l'indique d' Arbois de Jubainville, Catalogue, p. 141). Cette copie s'arrête également au milieu du section 70.
3) Une copie de la main d' O'Longan fo. 176a1182a2 qui donne le texte depuis le point où s'arrête la copie d' O'Curry jusqu'à la fin.
Enfin une copie complète de la main d' O'Longan, qui est en la possession du Dr Douglas Hyde 2.
Le Book of Lismore est seul à nous conserver le texte du
Le Siège de Druim Damhghaire se situe, dans l'ensemble de la littérature épique irlandaise, parmi une série de textes de même type. On sait que les récits épiques irlandais se répartissent en différents cycles: cycle mythologique, relatant les aventures de la Tuatha De Danann; cycle d' Ulster dont les principaux héros sont Cuchulinn et le roi Conchobor; cycle ossianique, consacré à Finn, a Ossian et à leurs compagnons; à cela viennent s'ajouter une série de cycles secondaires qu'on peut réunir sous l'appellation générale de Cycle des rois. Un grand nombre de ces récits mi-historiques, mi-légendaires ont trait aux règnes de Conn Cetchathach roi de Connaught (vers l'an 170 de notre ère) et de son petit-fils Cormac mac Airt, grand roi d' Irlande de l'an 227 à l'an 266 de notre ère, d' après les annales des Four Masters (cf. Best, Bibliography of Irish Literature, pp. 106 et 108). C'est au cycle de Cormac mac Airt que se rattache le récit du Siège de Druim Damhghaire.
Dans quelle mesure ce récit nous conserve-t-il le souvenir d' événements historiques? Ceci est malaisé à délimiter. Pour quelques paragraphes du début nous pouvons comparer notre texte avec les passages correspondants des annalistes. La bataille de Magh Mucraimhe (A.D. 195) nous est connue par ailleurs, et par les annales et par l'épopée (d. Cath Maige
Mucrima, éd. Stokes, RC, 13, 42674). Le caractère de Cormac tel qu'il nous apparait au début de ce récit (section 2, 6, 7), juge et roi, soucieux de légalité et préoccupé de géographie administrative, concorde bien avec ce que les Four Masters (A.D. 227) nous apprennent de ce roi, qui, le premier, fixa les règles du droit, recensa les royaumes et seigneuries d' Irlande, et régla leurs rapports fiscaux.
En revanche, pour la suite de ce récit, la comparaison avec les annalistes nous fait défaut. Ni les Four Masters, ni Tighernagh ni aucun autre annaliste dont nous ayons eu connaissance ne fait allusion à une expédition de Cormac mac Airt contre Fiacha Muillethan, roi de Munster. Si l'on songe à la minutie avec laquelle les batailles livrées par Cormac sont énumérées dans les Four Masters, le fait parait surprenant. Doit on l'expliquer par le caractère entièrement légendaire de cette expédition? ou par la répugnance des historiens de Leath Cuinn à relater une victoire de Leath Mogha?
A défaut des annales, l'Histoire d' Irlande de Keating nous conserve le récit du Siège de Druim Damhghaire (II, 3 18-322). Sa source principale parait au reste être le texte du Book of Lismore, qu'il suit exactement en l'abrégeant et en retranchant beaucoup du côté merveilleux de ce récit. Sur quelques points cependant il semble que Keating ait eu d' autres sources. Ainsi, tandis que dans le texte de Lismore les druides alliés de Cormac viennent de Sith Cleitigh, sur la Boyne (section 21, 44), d' après Keating ces druides seraient Ecossais (II, 318, draoithe Albanacha 'n-a fochair ann).
Il est également impossible de préciser la date à laquelle a pu être composé ce récit. Le manuscrit dans lequel il nous a été conservé est du 15e siècle, mais le Forbuis est déjà mentionné dans la liste de récits épiques du Book of Leinster (fo 189 b). Il existait donc déjà une version de ce texte, dès la
Quelle que soit la date de composition de ce récit, il nous conserve assurément le souvenir de bien des coutumes et des croyances anciennes. Malgré quelques références à la magie orientale et au folk-lore chrétien (cf. section 83, 97, et section 59, où apparaît à côté du nom de Simon le Magicien celui de l'apôtre Pierre qui aurait contribué à l'instruction de Mogh Ruith dans l'art magique section 113, rhétorique) le fond en est purement irlandais et païen. O'Curry, dans ses Manuscript Materials et dans ses Manners and Customs a signalé à plus d' une reprise l'importance de ce texte si riche en détails curieux et inédits sur l'art druidique et les pratiques et superstitions diverses s'y rattachant.
Le Siège de Druim Damhghaire fournit par ailleurs bon nombre d' indications sur la topographie de l'Irlande médiévale, indications d' autant plus précieuses qu'à côté du nom usité à l'époque où fut rédigé ce récit figure le plus souvent le nom usité antérieurement. Ces données ont au reste été utilisées par
La langue du Forbuis Droma Damhghaire, ne donne lieu à aucune observation particulière. Elle est sensiblement la même que celle qu'a décrite Wh. Stokes dans ses Lives of the Saints from the Book of Lismore. Toutefois, comme il fallait s'y attendre, le texte épique conserve, de-ci de-là, quelques formes et formules archaïques qui tranchent sur l'aspect moyen-irlandais de l'ensemble. Citons sethfaind, pour sefaind, prétérit de senn-, section 4; dotraei, section 7; nit ain, section 28.
La langue des rhétoriques est plus difficilement analysable, le texte en étant souvent inintelligible, et probablement parfois corrompu. Aussi avons-nous rejeté en appendice les morceaux lyriques de ce genre, sans même excepter ceux qui sont partiellement intelligibles.
Section 1. Introduction: naissance et avènement de Cormac mac Airt et de Fiacha Muillethan. Section 25. Aengus mac ind Oic apparaît à Cormac et lui prophétise ses futurs revers. Section 68. Les troupeaux de Cormac étant décimés par une épidémie, celui-ci, pour réparer cette perte, décide de réclamer une contribution considérable à la province de Munster, sous des prétextes légaux. Section 911. Les Munstériens refusent de se soumettre aux exigences de Cormac et se préparent à la guerre. Section 1218. Cormac interroge ses druides, Cithach, Cithmor, Cecht, Crota et Cithruadh, quant au succès de son expédition en Munster. Ceux-ci lui prédisent une issue funeste. Dépit de Cormac. Section 1922. Cormac trouve une alliée en Bairfhinn Blaith, fille du roi de Sidh Buirche qui, éprise de lui, lui promet l'aide de ses deux druides: Colptha et Lurga, et des trois magiciennes